Brèves de confi-potes: "Reconnais-toi toi-même"

J37 :

On a tous besoin de reconnaissance. Il avait entrepris de fouiller tous ses vieux albums, ses photos disséminées ici ou là dans ses dossiers d’ordinateur. Il avait remarqué que selon les époques, les contextes, les qualités des photographes, il apparaissait dans une auto à pédales, tenant la main des femmes qui l’entouraient , en premier communiant, moustachu, surexposé, frisé, l’air hagard ou romantique, plutôt en retrait, dans le journal en tenue de footballeur, sous-exposé, cavalier dans les steppes, bronzé, hirsute, blême, patibulaire ou rayonnant. C’était lui, mais jamais le même, donc pas tout à fait lui. Il ne se reconnaissait pas complètement. Et puis une intuition, vite devenue une conviction, une évidence. Comment pouvait-on se reconnaître sans se connaître ? Il est donc parti à la connaissance de soi. Mais ce regard porté sur lui faisait qu’il n’était plus le même. On change quand on est regardé. Et donc ça changeait son regard qui le regardait différemment ce qui le faisait changer. Alors il le détourna, le regard. Il se contenta de s’intéresser à lui mais sans trop le montrer, discrètement. Mais quand on vous porte de l’intérêt, c’est plus tout à fait pareil. C’était l’impasse. Alors si l’on a du mal à se reconnaître, peut-être faut-il essayer de se faire reconnaître par d’autres. Mais par qui ? Y a bien la patrie. Aux grands Hommes, la patrie reconnaissante. Elle reconnait même le soldat inconnu. Quelle perspicacité ! Mais pour le gros de la troupe, pas d’espoir. Faut chercher ailleurs. La hiérarchie, les bonnes œuvres, les formules de politesse… mais c’est encore trop approximatif. Heureusement, un avenir optimiste et imparable semble se dessiner enfin. La reconnaissance faciale.

Le 22/04/2020

Denis